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Lois de finances 2010 : Times are (really) changing ?

Lois de finances 2010 : Times are (really) changing ?

25/01/2010

La crise 2008, étant passée de la sphère financière, à celle de la « seconde économie » anciennement appelée « économie réelle » , il fallait bien penser que les considérations bassement budgétaires l’emporteraient.

Entre une « économie boursière » euphorique et rebondie et une économie « traditionnelle » déprimée et récessionniste, le législateur a essayé de maintenir les équilibres fragiles d’une société française, surendettée, partitionnée et confrontée à une véritable guerre économique.

Les lois de finances sont donc le reflet de cet étau, qui emprisonne un peu plus toute volonté de changement.

Car, par exemple, la révolution attendue de la taxe professionnelle n’a débouché que sur un de ces replâtrages faussement consensuel dont notre monde énarchisé se contente.

De même, la « révolution » simplificatrice du régime de TVA applicable aux échanges internationaux de services est apparue plus comme une « conséquence » de la pression européenne que comme un instrument de politique fiscale nationale.

Une France tiraillée entre une vision réaliste et sa recherche d’un leadership perdu, qui l’ont conduit à introduire « romantiquement » dans son droit interne un doublement de son arsenal fiscal répressif, pour des Etats et Territoires Non Coopératifs, dont l’abréviation ETCN fait plus les choux gras des échotiers que des Etats complaisants….

Quels nouveaux réflexes pour un monde en mutation ?

C’est le sens de cette chronique d’un changement annoncé…

 

Par Pierre-Ange ANJUÈRE et Caroline CTORZA
Avocats Associés, JUDICIA CONSEILS, Société d’Avocats  inscrite aux Barreaux de Strasbourg et Mulhouse

Si, depuis trois ans, par tradition, à l’occasion de notre commentaire des lois de finances, nous avons souvent choisi des titres de chansons, l’année 2010 nous a laissés un peu plus pantois quant au choix du titre.

À voir la mine réjouie des traders face à leur cadeau bonus, nous aurions été tentés par « crisis what crisis ? » de Supertramp.

Mais, l’agitation de fin d’année liée aux régularisations des comptes à l’étranger, coupléeà la réforme totale de la taxe professionnelle nous ont plutôt orientés vers ce titre de Bob Dylan.

Il faut en effet voir dans les lois de finances (L. n° 2009-1673, 30 déc. 2009, JO 31 déc. ; L. n° 2009-1674, 30 déc. 2009, JO 31 déc.) qui viennent d’être votées à la fois :

  • les soubresauts d’un monde révolu ;
  • la naissance d’un ordre fiscal nouveau.

Les soubresauts d’un monde révolu, parce que les « mauvaises » habitudes des opérateurs économiques consistant à délocaliser leurs bénéfices, leurs implantations, voire leurs comptes en fonction d’un dumping fiscal « paradisiaque » touchent à leur fin.

La France, dont la culture d’inspection fiscale l’a longtemps isolée des cultures anglo-saxonnes d’imposition fiscale, a réussi à remettre la guerre contre les paradis fiscaux à l’ordre du jour.

Profitant de la crise, les administrations fiscales occidentales ont pointé du doigt la responsabilité de micro-États complaisants.

S’en est suivie, par voie conventionnelle et, en France, par le biais de la loi de finances rectificative, la remise au goût du jour d’arsenaux fiscaux dissuasifs.

L’avènement d’un ordre fiscal nouveau, parce que les entreprises françaises se trouvaient confrontées à des situations de blocage liées :

  • à l’archaïsme de certaines taxes (taxe professionnelle) ;
  • à l’inadaptation des flux économiques au marché international (TVA intracommunautaire sur les services).

Enfin, pour respecter malgré tout la tradition, ces lois de finances sont restées l’objet d’escarmouche entre le juge de l’impôt et l’administration, étant précisé que le « verdissement » des avantages fiscaux dans la foulée du grenelle de l’environnement s’est poursuivi, les dispositions d’incitation en matière d’habitation ou foncière étant dorénavant subordonnées aux performances énergétiques des locaux.

S’il n’est pas possible de faire un tour exhaustif de toutes les dispositions, nous allons nous attacher à en évoquer les plus importantes.

 

Taxe professionnelle et CET : La fin d’un impôt imbécile ?

La suppression de la taxe professionnelle était programmée d’avance, dès lors qu’en 2008 la suppression de la base taxable des équipements et biens mobiliers acquis cette année-là produirait ses effets en 2010.

Le législateur a donc décidé de mettre fin à cette taxe au 1er janvier 2010 pour lui substituer… une taxe nouvelle composée d’un succédané de deux taxes anciennes.

Dorénavant, les anciens redevables de la taxe professionnelle devront acquitter une contribution économique territoriale (CET) composée d’une :

  • cotisation foncière des entreprises (CFE) ;
  • et d’une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

La CFE est, comme son nom l’indique, une cotisation foncière basée sur les immeubles utilisés par les entreprises dans le cadre de leur activité professionnelle.

La relative nouveauté de cette CFE réside dans le fait qu’elle frappera dorénavant les loueurs d’immeubles nus, à l’exclusion des locaux d’habitation.

Cette cotisation due par celui qui dispose des locaux sera donc acquittée en cas de location par son utilisateur.

Mais, le bailleur sera redevable, malgré tout, d’une cotisation minimale comprise, selon les collectivités, entre 200 et 2 000 euros.

En assujettissant ainsi forfaitairement les bailleurs d’immeubles nus, ces derniers se trouveront redevables « automatiques » de la deuxième composante de la CET, à savoir la CVAE.

On notera que, s’agissant de l’assujettissement des entreprises à la CFE, les réflexes d’optimisation passés seront radicalement différents.

En effet, jusqu’alors, le jeu fiscal consistait à faire passer les équipements dans la base de taxation foncière, les éliminant alors d’une partie de la base taxable.

Dorénavant, par un réflexe inverse, l’idée consistera à qualifier d’équipement une partie des éléments fonciers afin qu’ils échappent à la CFE.

La CVAE, quant à elle, révolutionne la taxation locale des entreprises puisqu’à la différence de la taxe précédente, elle n’est assise que sur la valeur ajoutée.

Exit donc la taxation des équipements et biens mobiliers.

On notera que s’il était manifestement imbécile de taxer les entreprises qui investissaient, on peut s’interroger sur la qualité d’une taxe qui pénalise les entreprises qui embauchent.

Par rapport à sa « prédécesseuse », la CVAE est calculée de manière assez proche de la valeur ajoutée minimale en matière de taxe professionnelle.

On relèvera cependant quelques ajustements conduisant par exemple :

  • à y ajouter les plus-values de cession d’immobilisation lorsque leur vente rentre dans le cadre de l’activité normale de l’entreprise ;
  • à y soustraire les moins-values de ces mêmes immobilisations.

Il reste, que le nouvel effort de rédaction du législateur peut conduire à certaines interrogations.

Ainsi, dans le calcul de la valeur ajoutée, les taxes sur le chiffre d’affaires sont expressément déduites du calcul.

On pourrait donc se demander si, malgré l’aberration d’un tel résultat, la lettre du texte ne permet pas de déduire la TVA versée par l’entreprise au Trésor…

Cette CVAE, égale à 1,5 % de la valeur ajoutée, constitue avec la CFE la contribution économique territoriale.

On relèvera que le législateur a néanmoins prévu des clauses de sauvegarde pour éviter « provisoirement » une inflation de l’imposition locale.

Ainsi, un bouclier d’imposition locale plafonne ces impositions à 3 % de la valeur ajoutée produite par l’entreprise et, un mécanisme « d’écrêtement » permet aux entreprises, dont la taxation nouvelle excéderait celle qu’elles auraient dû si la taxe professionnelle avait été maintenue, de lisser sur quatre ans l’impact cet écart.

 

TVA sur les services internationaux : vers une réelle simplification

Attendue depuis de nombreuses années, la réforme du régime de TVA applicable en matière de prestations de services internationales vient d’intervenir.

Dorénavant, confrontés à un service rendu ou reçu en dehors de France, les opérateurs économiques adopteront un nouveau raisonnement.

 

Déterminer la qualité de la partie adverse

Dorénavant, les entreprises devront distinguer selon que le preneur du service est un assujetti ou un consommateur final.

Si le preneur est un assujetti, c’est le mécanisme de l’autoliquidation qui s’appliquera.

En d’autres termes, tout service rendu par une entreprise française à une entreprise étrangère sera en principe :

  • exonéré de TVA française ;
  • déclaré dans son pays selon le mécanisme d’autoliquidation par le preneur.

La novation du dispositif réside dans le fait que ces nouvelles dispositions entre entreprises s’appliquent tant dans les échanges communautaires que dans tous les échanges internationaux.

Il reste cependant de la responsabilité des entreprises de s’assurer :

  • que leur interlocuteur communautaire est un assujetti ;
  • que leur interlocuteur non communautaire aurait été assujetti s’il évoluait dans l’Union européenne.

Bien entendu, ce type de prestation fera l’objet de mentions particulières sur les factures à l’instar de celles adoptées jusqu’alors en matière de prestations immatérielles.

S’agissant de toutes les exceptions qui, jusqu’alors prévalaient en matière de prestations matériellement localisables, sans vouloir entrer dans une liste hors de propos avec l’espace qui nous est imparti, on précisera, qu’en entreprise, le mécanisme d’autoliquidation fonctionnera pour les prestations immatérielles, ces dernières entrant de droit dans le dispositif général et que les exceptions au principe général auront trait :

  • aux prestations rattachées à un immeuble (lieu de situation) ;
  • aux transports de passagers (lieu du transport) ;
  • aux prestations culturelles, artistiques (lieu d’exécution) ;
  • aux prestations de restauration (lieu d’exécution).

Pour ce qui concerne les prestations rendues à des non assujettis, le principe qui s’appliquera est la taxation de la TVA du pays du prestataire.

La seule exception notable portera sur les prestations immatérielles lorsque le preneur est établi hors de l’Union européenne.

Mais, même dans ce dernier cas, une taxation à la TVA française pourra être programmée, si ce preneur utilise le service en France.

 

Dénoncer le preneur

Afin d’éviter, en matière de service des mécanismes du type « carrousel », il est institué dans les relations de prestataires de services intracommunautaires le dépôt d’une nouvelle déclaration.

La DES ou déclaration d’échange de services doit être servie mensuellement.

Elle fera mention du numéro de TVA, de l’adresse et raison sociale du prestataire, du montant total des prestations… pour chaque preneur.

Et, pour corser un peu plus l’exercice, cette déclaration devra être servie à chaque fois que la taxe sera exigible dans l’État membre du preneur.

Pour normer entre les pays cette exigibilité, la France s’aligne sur les autres pays et, dorénavant, l’exigibilité d’un service rendu en Europe (distinct du service rendu en France) interviendra à la date de réalisation de la prestation.

Demander le remboursement de la TVA étrangère en passant par la France

Jusqu’alors, les demandes de remboursement de TVA payée à l’étranger par les entreprises françaises étaient faites directement par ces dernières auprès des États concernés.

Dorénavant, les demandes par voie électronique seront faites auprès de l’État français.

C’est ce dernier qui s’intermédiera pour permettre la restitution de la TVA étrangère.

Les délais seront encadrés, la décision ne pouvant intervenir au-delà des quatre mois ou au-delà des huit mois si une instruction complémentaire est nécessaire.

Si le remboursement est accepté, le paiement devra intervenir dans les dix jours de la décision.

À défaut, des intérêts moratoires seront dus.

On restera cependant prudent quant à l’efficacité d’une telle mesure, dès lors que les administrations communautaires sont singulièrement différentes, dans leur efficacité, selon le pays et l’état de ses finances.

 

La coercition au service de la vertu fiscale

Le législateur français, échaudé par des allers-retours confédéraux, quant à la validation des avenants conventionnels instituant une « collaboration » administrative, a décidé de renforcer, à titre préventif, son dispositif anti-fraude.

Dorénavant, on distinguera les États et territoires coopératifs des États et territoires non coopératifs.

Une liste annuelle sera publiée par l’État français séparant le bon grain conventionnel de l’ivraie des États et territoires complaisants.

Pour les ressortissants de ces derniers, la retenue à la source des revenus de capitaux mobiliers versée par la France est portée à 50 %.

De même, les retenues à la source des plus-values de cession de droits sociaux des revenus d’artistes sont elles aussi majorées.

De la sorte, le législateur pensera ainsi que ces pays se sentiront forcé de ratifier, avec la France, rapidement des conventions ou des avenants instituant une assistance administrative.

 

Quelques mesures… pas pour rien !

Les temps étant durs, l’État français a cherché à limiter les avantages qu’il avait pu concéder en période euphorique.

On citera ainsi la modification à la baisse de la protection du bouclier fiscal.

Désormais, pour le calcul du bouclier fiscal, seront prises en compte les plus-values mobilières au premier euro :

  • les dividendes dans leur intégralité ;
  • les plus-values nettes mobilières, sans possibilité d’imputer les moins-values passées reportables.

Ce durcissement a son corolaire en matière d’impôt sur le revenu et contributions sociales puisque dorénavant, les plus-values mobilières seront imposées au premier euro, sans seuil d’exonération.

Dans le même ordre d’idée, le législateur a poursuivi le plafonnement des niches fiscales, le faisant passer de 25 000 à 20 000 euros par part et de 10 à 8 % du revenu imposable.

 

* * *

 

Ce rapide tour d’horizon des lois de finances beaucoup plus riches que leurs « prédécesseuses » ne nous a pas permis d’évoquer :

  • les traditionnelles adaptations du régime d’intégration fiscale (arrêt Papillon) ;
  • l’extension de l’exonération des plus-values au sein d’un groupe familial aux frères et sœurs ;
  • la taxation des indemnités d’accident du travail.

Il reste cependant que se profile à l’horizon des entreprises un nouveau travail à venir.

En effet, notre droit français vient d’intégrer la nécessité pour les entreprises internationales de communiquer leurs règles de prix de transfert.

Cette introduction, issue des recommandations de l’OCDE, pourrait apparaître comme anecdotique, dès lors qu’elle concerne les entreprises dont le chiffre d’affaires (ou l’actif) est au moins égal à 400 000 euros.

Mais, on sait en France l’art consommé du législateur pour baisser les seuils en catimini.

Il est donc vraisemblable que très rapidement, l’obligation de communication des prix de transfert s’applique à une population d’entreprises beaucoup plus large.

L’avantage, l’an prochain, pour notre prochain article est d’en avoir déjà le titre et, paraphrasant Molière, nous titrerons : « baissez ces seuils que je ne saurais voir ».