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Lois de finances : 2011 et rectificative 2010 : En attendant... gros dos

Lois de finances : 2011 et rectificative 2010 : En attendant... gros dos

24/01/2011

Par :
Caroline CTORZA
Pierre Ange ANJUERE, membre de l’Académie de la Législation Fiscale
Avocats Associés inscrits au Barreau de Strasbourg, JUDICIA CONSEILS.

 

Avec les discussions récentes :

  • de la réforme du régime de retraite
  • de la loi de financement de la sécurité sociale
  • du collectif budgétaire
  • et de la loi de finances pour 2011,

le citoyen contribuable retrouve sa fonction nourricière, celle d’une vache à lait qui paie par traites.

Car effarés par l’abyssale dette budgétaire qu’ils ont laissé filer pour sauvegarder un capitalisme spéculatif, s’empressant de mordre, par agence de notation interposée, la main qui l’avait sauvé, nos parlementaires en ont rajouté dans le symbolisme, destiné à rassurer…les marchés.

Après l’adoption de mesures spectaculaires, par des députés frondeurs, après les annonces dissidentes plus ou moins pilotées de suppression de l’ISF et d’un bouclier fiscal vilipendé, même par ses promoteurs, notre actualité budgétaire s’est dégonflée.

Il faut dire qu’avec la Contribution Economique Territoriale, le monde de l’entreprise avait déjà lourdement payé son tribut à cette tentation de réforme dans l’impréparation.

Assiette mal maitrisée, textes abstrus ou trop tentants…mise en application tardive, incapacité d’informer ceux qui voulaient payer, cette Contribution a eu des fonds baptismaux abyssaux.

Fin 2010, entre mesures raboteuses, restrictions des promesses affichées passées, petits règlements de comptes avec les juges et petites recettes budgétaires, le Chef de cuisine de Bercy a opté pour une sauce financière sans grande surprise.

Plus grand veneur que grand meneur.
 

Mais, à bien y regarder, les contribuables ont pu voir avec cette fronde parlementaire, jugulée avec grand peine, le même sentiment que le Lapin devant la casserole….

Car comment ne pas penser que :

  • le marasme économique,
  • le poids extrême d’une dette publique
  • la violence des marchés financiers
  • la mise en place plus ou moins forcée en Europe, dans des pays concurrents, de politiques de rigueur sans précédent

vont contraindre notre Gouvernement à durcir notre environnement fiscal, par nécessité et pour ne pas rater une occasion historique de faire accepter à une population lasse (et médiatiquement préparée?) plusieurs tours de vis budgétaire inéluctables, basés sur un accroissement des recettes.

En attendant :

  • la suppression du bouclier fiscal,
  • un éventuel vrai-faux réaménagement de l’Impôt de solidarité sur la fortune, même si sa suppression serait, pour le coup la fin d’un drame économique,
  • un durcissement des droits de mutation
  • et de la fiscalité de niches

c’est à un examen non exhaustif des principales dispositions de ces lois de finances intercalaires que nous allons procéder.

 

Entreprises : entre restrictions et interdictions…

L’obligation de rigueur budgétaire s’est traduite, pour les entreprises, par une restriction de nombre des avantages passés.

Le vrai faux départ de l’IFA

Programmée pour le 1er janvier 2011, la suppression de l’impôt forfaitaire annuel (IFA) n’aura pas résisté au réalisme budgétaire.

Cet « impôt » qui au départ s’imputait sur l’impôt sur les sociétés, comme un crédit, avait déjà subi un « coup de canif », lorsqu’il n’avait plus été imputable (à 100 %) mais déductible (à 33 1/3 %).

 Il faut croire qu’il constitue une recette aisée.

Jusqu’au 31 décembre 2013, les entreprises dont le chiffre d’affaires sera supérieur à 15 millions d’euros, devront donc continuer au 15 mars à s’acquitter de cet « impôt », pouvant aller jusqu’à 110.000 € pour les entreprises dont le chiffre d’affaires excède (produits financiers compris) 500 millions de chiffres d’affaires.
 

La remise en cause d’une petite partie de la puissance du crédit d’impôt recherche

En premier lieu, réjouissons nous, car le crédit d’impôt recherche reste, dans une large mesure, toujours applicable en France.

Or, il s’agit d’un des mécanismes européens les plus puissants, sans équivalent et donc, moteur dans la localisation, en France des structures de recherches, voire la justification du maintien, en France de structures industrielles accolées aux structures de recherche.

Le crédit d’impôt recherche est un outil d’attraction français sans égal.

Pour autant, le volontarisme économique ne doit pas le disputer au réalisme budgétaire et, le crédit d’impôt recherche, s’il n’a pas été remis en cause, a du concéder une « faible » partie de ses avantages, pour survivre.
 

Quelles restrictions des avantages ?

Tout d’abord les dépenses de fonctionnement qui entraient dans la base de calcul du crédit d’impôt, évaluées forfaitairement à 75 % des dépenses de personnel, ont été ramenées à 50 %.

Les opérations de recherche, à compter du 1er janvier 2011, sous traitées à des organismes de recherche privés, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés, ont été retenues jusqu’alors dans la limite de 2 millions d’euros.

Dorénavant, si la limite n’est pas changée, cette assiette ne sera retenue, que dans la proportion de 3 fois les dépenses des autres dépenses de recherche.

En d’autres termes, pour pouvoir déduire de telles dépenses, il faudra désormais engager un montant de recherches propres minimal…

L’idée d’un montant de recherche propre minimal qui peut se comprendre est une nouveauté, s’agissant du dispositif du crédit d’impôt recherche.

De même, les deux premières années de recherche offraient aux impétrants, des taux de crédit de 50 et 40 % des dépenses engagées.

Ces taux sont réduits, à compter du 1er janvier 2011et, passent à 40 et 35 % pour ces mêmes deux premières années.
 

La fin de la « recherche du crédit » financée par l’Etat?

Jusqu’alors, le recours à des avocats, experts comptables, ou, le plus souvent, de vraies fausses officines spécialisées, n’impactait pas le crédit d’impôt recherche que ces intermédiaires détectaient.

Dorénavant, c'est-à-dire à compter du 1er janvier 2011, l’assiette du crédit d’impôt recherche sera réduite des honoraires payés à ces intermédiaires :

  • s’il s’agit d’honoraires de succès
  • ou au-delà de la limite la plus élevée de :
    • 15.000 €
    • ou 5 % du total de dépenses de recherches éligibles.

 

Un remboursement immédiatement sélectif

Jusqu’en 2010, sans limite.

A compter de 2011, seules :

  • les P.M.E au sens européen du terme
  • les entreprises nouvelles
  • les Jeunes Entreprises Innovantes
  • les entreprises en procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire

pourront prétendre au remboursement de leur crédit d’impôt recherche immédiatement.

            Une quote-part….chargée

Comme dans la majeure partie des pays européens, il reste possible aux sociétés mères françaises de déduire de leurs résultats imposables,  les dividendes reçus de leur filiale.

Mais, cette déduction n’était pas totale car, partant du principe que pour avoir des produits il fallait engager des charges, le législateur entendait imposer forfaitairement 5 % des dividendes, censés couvrir les charges engagées…

Toutefois, si la société pouvait démontrer que les charges réelles engagées étaient inférieures au montant forfaitaire, elle plafonnait alors ce montant des dividendes réintégrables, aux charges réellement engagées.

A compter des exercices clos au 31 décembre 2010 (c’est à dire rétroactivement), la réintégration forfaitaire sera, quelque soit le niveau de charges réelles engagées, de 5 % des dividendes.

De quoi réactiver l’intérêt, lorsqu’on détient 95 % des filiales distributrices, d’opter pour l’intégration fiscale, puisque ce régime neutralise, pour la plus grande part, l’imposition de la quote-part de frais et charges de 5 %.

 

Sous capitalisation : garantir c’est…comme prêter

Avec la limitation de la déduction des intérêts versés entre sociétés liées, lorsque la versante a été sous capitalisée, on pensait tenir les futurs sujets de thèse.

Las c’était sans compter avec la complexité de l’esprit législatif fiscal et la faculté de détournement des textes des entreprises.

Car s’il fallait seulement cumuler les intérêts servis intra groupe, il suffisait alors de  faire prêter, par un tiers bancaire et garantir le prêt…pour que les intérêts servis échappent à la règle de sous capitalisation.

Il faut croire que le législateur a eu vent de cette tentation.

Car dès les exercices clos au 31 décembre 2010, les intérêts versés à des tiers, au titre de prêts garantis par une société liée, seront assimilés à des intérêts intragroupe et donc soumis à la limitation éventuelle due à une sous capitalisation.

            Ça ne roule plus pour les véhicules  N1...

Avec la crise économique sans précédent fin 2008, il a fallu sauver « les soldats Ryan »  que constituaient les constructeurs automobiles européens…

Par le biais d’une classification européenne (N1) particulière, certains véhicules bénéficièrent ainsi d’un traitement fiscal privilégié.

Récupération de la TVA, absence d’éco-pastille, amortissement sans limitation et absence de Taxe sur les véhicules de société, l’achat de véhicules de cette catégorie était un jackpot sans égal !

Fini la coercition....pour ces véhicules N1 qui au demeurant n’étaient pas les moins ostensibles.

Las, la loi de finances pour 2011 a mis fin à cette récréation automobile et uniformisé les règles fiscales coercitives de base,  à tous les véhicules…dès le 1er octobre 2010.

Depuis le 1er octobre 2010, la fiscalité dissuasive s’applique donc aux « véhicules de tourisme », c'est-à-dire :

  • les voitures particulières au sens de du 1 du C de l’annexe I à la directive 2007/46/CE
  • ainsi que les véhicules à usages multiples.

La quasi-impossibilité de déduire fiscalement les pertes sur filiales

Avec l’exonération des plus values à long terme sur cession de titres de participation, nombre de jeux fiscaux ont été bâtis, sur le délai de deux ans qui fait passer la cession de titres, ou son absorption, du court au long terme.

Ainsi, en cas d’achat d’une société « riche », le schéma consistait, dans les deux ans :

  • à « vider » la société rachetée, par distribution
  • exonérer les dividendes par application du régime mère fille
  • et :
    • faire absorber la filiale vidée par une autre société filiale
    • ou céder la filiale vidée à une autre société du groupe
  • pour dégager la perte à court terme
  • et déduire ainsi une large part du prix d’achat de la filiale.

De même, lorsqu’une filiale récemment achetée, s’avérait présenter une situation nette négative, la tentation était de la vendre dans les deux ans à une société liée, pour dégager la perte déductible, à court terme.

Un nouveau dispositif législatif dissuasif, a donc été mis en place, pour contrer ces « tentations ».

En premier lieu, en cas :

  • d’acquisition d’une société,
  • de distribution de cette dernière à son acquéreuse,
  • et d’absorption, moins deux ans après de la distributrice

le bénéfice du régime mère fille afférent aux dividendes distribués, ne sar définitivement acquis que si lors de l’absorption de la distributrice, le mali dégagé à cette occasion n’aura pas été déduit.

De même si ce type d’opérations est fait entre sociétés intégrées, lors de la fusion, la moins value sera réduite des dividendes qui n’auraient pas été imposés, du fait du bénéfice de l’intégration fiscale.

Enfin, en cas de vente entre sociétés liées, d’une filiale, l’opération dégageant, une perte à court terme, cette dernière ne sera déductible des résultats de la cédante, que :

  • si elle est absorbée par un tiers-          ou si la cessionnaire est absorbée par un tiers
  • ou si elle se dessaisit à son tour à un tiers de la participation acquise

dans le délai de deux ans qui suit l’achat par la cédante, de la participation cédée.

 On notera au passage :

  • qu’en cas d’absorption de la société achetée par son acquéreuse, le nouveau texte ne fonctionne pas
  • que si la loi est sollicitée, ceci signifie que l’abus de droit n’est pas flagrant
  • que les montages de ce type, passés sont bénis par le législateur…​

 

TVA : vers l’émergence d’une consolidation de paiement de groupe

A compter du 1er janvier 2012, les entreprises ayant donc un an pour s’y préparer, il sera possible pour une holding détenant, directement ou indirectement, au moins 50 % du capital de sociétés, de consolider le paiement de TVA d’elle-même et de ses filiales, qui auront accepté, leur « in-TVA-gration ».

Bien entendu l’intégration supposera :

  • des sociétés ouvrant et clôturant leurs exercices à l’identique
  • une durée d’option de deux ans
  • que ses membres soient soumis à l’obligation de transmission des déclarations auprès de la DGE
  • que l’option soit formulée avant le premier jour de l’exercice auquel les sociétés entendent y faire application.

 

Faut-il y voir un signal pour une vraie reconnaissance fiscale de la notion de logique de Groupe, où un de ces gadgets dans l’air du temps, on attendra la publication de l’instruction pour se faire une opinion, plus tranchée.

 

Particuliers : entre tonte et coups de rabots…

Le contribuable est, à l’évidence pour les rédacteurs de ces lois de finances, une personne de peu d’esprit soumise à tribut.

Car comment ne pas voir dans l’alourdissement sans crier gare de notre fiscalité, cette certitude chez les parlementaires, d’assimiler le contribuable à un mouton?

Le rabot cerne les niches...

Pour progressivement réduire les coûts fiscaux de mesures fiscales incitatives ou clientélistes, le Législateur à choisi de baisser, pour les opérations réalisées à compter du 1er janvier 2011, de 10 % :

  • les montants des taux de réductions ou crédits d’impôt
  • les seuils d’imputation, lorsqu’un plafond est institué.

Seuls :

  • l’aide fiscale pour emploi d’un salarié à domicile
  • le crédit d’impôt pour frais de garde des jeunes enfants
  • la réduction d’impôt au titre de l’investissement locatif, dans le logement social outre mer

échappent au coup de rabot.

En outre le complément d’impôt, du à ces coups de rabot, ne sera pas tenu comme un impôt pour le calcul de la base susceptible d’être remboursée, par la grâce du bouclier fiscal…

Enfin le plafonnement global des avantages fiscaux :

  • fixé à 20.000 €
  • majorés de 8 % du montant du revenu imposable

est fixé pour les revenus de 2011 :

  • à 18.000 €
  • majorés de 6 % du revenu imposable.

La niche est en train de tomber sur le chien de contribuable…

 

Taux d’imposition et contributions sociales : toujours plus pour encore moins...

En rehaussant les taux d’impôt sur le revenu, les taux d’imposition forfaitaire, les contributions sociales,  les parlementaires ont encore faire preuve de maitrise arithmétique.

Qu’on en juge :

  • plus 1 % pour les taux d’imposition
    • des plus values mobilières
      • taxées en 2011 au premier euro
    • du prélèvement libératoire
  • plus 3 % pour les taux d’imposition des plus values immobilières
  • plus 0,2 %pour les prélèvements sociaux sur les revenus de capital
  • plus 1 % sur la dernière tranche d’impôt sur le revenu (passée à 41 %)

mais, dans le calcul du bouclier fiscal, ces « plus » d’impôt, viennent en « moins » la base remboursable pour, en définitive, faire moins de patrimoine à ceux qui les subissent.

Plus par moins fait moins….La soustraction au service de l’addition un résumé de la vie du contribuable français.

 

La fin du mariage du PACS, ou du divorce pour de seuls buts fiscaux…

Avec la suppression de la faculté de faire l’année de son mariage ou de son « pacsage » trois  déclarations fiscales, le Parlement a mis fin à la pire des motivations de la concrétisation, l’intérêt de l’avoir sur l’intérêt des Etres.

Dorénavant les déclarations à servir seront au nombre de :

  • une ou deux séparées, sur option, en cas de mariage ou de conclusion d’un PACS
  • deux séparés en cas de divorce ou de rupture de PACS.

 

Cession au sein du Groupe familial de titres de sociétés…

Avec l’imposition aux contributions sociales (12,3 %) des plus values sur cessions entre ascendants et descendants, voire frères et sœurs, de titres de sociétés détenus par les cessionnaires, depuis plus de 5 ans, à au moins de 25 %, qui restent exonérées d’impôt sur le revenu, c’est un signal qu’envoie le législateur.

En France, tout profit ou revenu, même exonéré, ne saurait échapper aux contributions sociales. 

Ces Lois de Finances ont laissé à l’année 2011, et à ses parlementaires une discussion portant sur :

  • la réforme du régime des sociétés des personnes, visant à réfuter aux sociétés translucides leur personnalité fiscale 
  • la soumission, aux contributions sociales, des plus values immobilières 
  • l’imposition éventuelle des plus values sur résidence principale 
  • le rabotage de l’assiette taxable à l’ISF
    • par un rehaussement de la tranche minimale
    • ou par l’exonération de l’habitation principale
  • la suppression d’un bouclier fiscal exsangue
  • la remise en cause d’une partie de la fiscalité privilégiée des contrats d’assurance vie.

 

Autant de projets qui risquent de faire comprendre aux contribuables que nous sommes le sentiment qui habite le lapin devant la casserole !