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Le fisc tombe les frontières

Le fisc tombe les frontières

23/02/2017

Chaque mois, le Centre européen de la consommation, à Kehl, offre des consultations gratuites sur l’immobilier avec des notaires français et allemands. Il propose désormais aussi des conseils en patrimoine d’avocats fiscalistes bilingues.

Ils sont nombreux à s'installer outre-Rhin parce que la pierre y est moins chère, l'herbe plus verte. Et buter, quelques brasses plus loin, sur de bonnes et de mauvaises surprises.

Côté face : pas de taxe d’habitation en Allemagne. Côté pile : l’impôt sur le revenu y est plus salé qu’en France (sauf pour les fonctionnaires et les retraités français, qui restent imposables dans leur pays). « Certains découvrent la taxe sur l’Église à laquelle sont soumis les baptisés, ou la taxe sur les chiens », remarque Elphège Tignel, chargée de communication au Centre européen de la consommation, un beau bâtiment vitré place de la gare à Kehl. « Il y en a même qui s’étonnent de devoir remplir leurs papiers en allemand... »

« Les informations s’échangent dans toute l’Europe »

Parce qu’immobilier et fiscalité vont de pair, le centre élargit son offre. Depuis dix ans, des notaires bilingues français et allemands y prodiguent des conseils gratuits sur l’immobilier. Ils sont désormais épaulés par des avocats fiscalistes, également franco-allemands, tous les deuxièmes mardis du mois.

L’équipe accueille autant d’Allemands que de Français, estime le notaire Edmond Gresser. Mais pas pour les mêmes raisons. « Les Français achètent près de la frontière allemande pour y résider, alors que les Allemands veulent plutôt une résidence secondaire, notamment dans les coins les plus chers de France : île de Ré, île d’OIéron, Corse, littoral breton... J’ai même un client suisse qui cherche un château ! »

« Bref, il y a deux marchés : celui des frontaliers et celui du Spass , des loisirs », résume l’avocat strasbourgeois Thomas Schott. Mais, pour les Allemands et les Suisses, le « Spass » s’arrête avec l’ISF, l’impôt sur la fortune, inconnu outre-Rhin.

Et pour les Français qui achètent en Allemagne, attention ! Le compromis de vente, vu ici comme une étrange chicane latine, n’existe pas. « Une fois l’acte notarié signé, c’est fini », assène le notaire Benjamin Schäfer. En revanche, l’assurance-décès, obligatoire en France pour tout achat immobilier, est facultative outre-Rhin.

Frontaliers et expatriés ont d'autant plus intérêt à connaître la loi du pays d’accueil que le fisc tombe les frontières. « Les informations s’échangent dans toute l’Europe, Suisse comprise, et jusqu'aux États-Unis », prévient Thomas Schott. C’est particulièrement vrai pour les Français depuis la directive Cazeneuve contre la fraude fiscale en 2013. Elle ne concerne pas que les Cahuzac en puissance. « Les gens oublient de mentionner des actifs banals, comme une assurance-vie. En France, elle n’est pas imposable, mais en Allemagne, surprise ! » rappelle l’avocat Oliver Stein. Une cliente française à Fribourg a découvert qu’elle devait payer dix ans de délais de reprise pour son assurance-vie, plus les pénalités. »

Le casse-tête de la succession

On n’achète pas seulement de la pierre, on la transmet aussi. Et les aléas qui vont avec. « Si les enfants veulent revendre un bien, il y a l’impôt sur la plus-value. Les Allemands sont exonérés au bout de dix ans de détention. En France, c’est 22 ans pour l’impôt sur le revenu, et 30 ans pour les prélèvements sociaux », pointe Thomas Schott.

Déjà douloureuse, une succession à saute-frontières peut s’avérer un vrai casse-tête. C’est le cas de ce veuf strasbourgeois venu « consulter » au centre. Sa femme allemande possédait une maison outre-Rhin, à partager maintenant entre lui et leurs trois filles. En quelle langue se fera le certificat successoral européen ? La modification du livre foncier ?

Comment vendre dans le cadre d’une nue-propriété ?

« Nous recevons aujourd’hui beaucoup d’enfants d’Allemands qui ont acheté en Alsace dans les années 80. Mais aussi des expatriés en France pour des raisons fiscales, qui reviennent au pays à la retraite, remarque Thomas Schott. On assiste à une bascule des générations. »

Source : DNA.fr